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Découverte du polar nordique

Mo MALØ

13 Juin 2018, 18:05pm

Publié par mille et une histoires

Mo  MALØ

Depuis 2009 et la loi d'autonomie étendue, seul un fil ténu relie encore le Groenland au Danemark. Le kalaallisut est devenu la langue officielle, le danois n'est plus utilisé que dans les quelques administrations dépendant encore de Copenhague, la police et la justice en font partie. Un parlement a été élu, des indépendantistes y siègent. Kim Kielsen est premier ministre, dans le roman comme dans la vraie vie. Mais il reste une étape à franchir pour accéder à l'indépendance : le référendum. Et avant le Groenland doit gagner son autonomie financière et celle-ci repose sur le pétrole. Alors son exploitation a été confiée à des multinationales qui font largement appel à des travailleurs détachés : russes, chinois, africains et bien d'autres nationalités déferlent sur le Groenland. Et les problèmes arrivent : argent et pauvreté, modernisme, tourisme, trafics d'influence, prostitution de la jeunesse, violence. La civilisation inuite se sent menacée, engrenage classique vers la création de groupuscules un peu xénophobes, fortement identitaires et peut-être radicalisés. A cela s'ajoute un désastre écologique annoncé par le réchauffement climatique.

C'est dans ce contexte que Mo Malø tisse la toile de son roman. Les descriptions sont précises, les anecdotes historiques et sociétales nombreuses. L'immersion est parfaite, le lecteur séjourne au Groenland pendant presque 500 pages garantes de multiples découvertes que j'ai approfondies et illustrées avec internet.

Trois meurtres ont été commis à Nuuk la capitale du Groenland, trois ouvriers étrangers employés sur une gigantesque plate-forme pétrolière. Les cadavres ont été déchiquetés comme si un ours polaire s'était acharné sur eux. Nous sommes en octobre. Qaanaaq Adriensen est Capitaine à la Crim de Copenhague, envoyé en renfort pour résoudre ce triple assassinat. Dans le Grand Nord seul le prénom ( l'atek ) compte, donc pour tout le monde, il est tout simplement Qaanaaq ( il faut prononcer Hraanaak ) d'autant plus qu'il est né ici, entre l'inlandsis et la banquise. Il a quitté son pays natal il y a quarante deux ans alors qu'il n'était encore qu'un bébé. Qaanaak est de retour parmi les siens, parmi les Inuits dont il ignore tout. Alors il photographie sans cesse, les paysages, les gens, les maisons, les cadavres qui se multiplient.

L'enquête de Qaanaaq piétine, il manque de moyens et ses collaborateurs locaux sont peu disposés à l'aider à l'image de Rikke Engell la directrice danoise de la police groenlandaise. Seul Apputiku, l'inspecteur Inuit, lui apporte sa sympathie et son dévouement. Qaanaaq est un expert en interrogatoires, il n'a pas son pareil pour déstabiliser un suspect. C'est aussi un flic tenace qui n'hésite pas lorsque deux nouveaux cadavres mutilés comme ceux de Nuuk sont découverts à 1600 km plus au nord : il s'envole aussitôt pour ... Qaanaaq.

Qaanaaq est un village au nord du 66ème parallèle. En octobre il y fait nuit même le jour. C'est le désert blanc où les déplacements se font avec des chiens de traineau. C'est le domaine des froids extrêmes, des tempêtes arctiques et de la banquise instable. La glace de la calotte glaciaire est épaisse de 1600 mètres en moyenne. On se nourrit de viande de phoque conservée dans des congélateurs entreposés à l'extérieur. Les chamanes sont respectés. On y craint l'ours polaire, on y croise la chouette harfang et c'est un des rares endroits où on peut encore y acheter des tupilak, ces rares petites statuettes taillées dans des défenses de morse. Dans la seconde moitié du 20ème siècle, on y parlait de bases militaires secrètes, d'armes nucléaires et de populations déplacées. 

C'est dans ce contexte que Qaanaaq voit se dessiner la vérité mais plus il approche du but plus les dangers le menacent. Au nord du 66ème parallèle, la haine et la vengeance motivent autant la violence que les enjeux pétroliers.

Mo Malø offre un roman où tous les codes du polar sont respectés : fausses pistes, rebondissements, des bons et des méchants, des indices infimes pour sortir d'une impasse, de l'action, un héros attachant tourmenté par son passé. Et il y a le dépaysement, avoir choisi le Groenland il fallait oser et la réussite est là, incontestablement.

Mo Malø a promis de se rendre au Groenland. Pour y chercher de nouveau l'inspiration ? Imaka ...

 

Mo  MALØ
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L
Comme vous je suis passionnée par la culture et la littérature scandinaves. Je ne connais pas du tout cet auteur et c'est avec plaisir que je le note. Merci pour le partage
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