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Découverte du polar nordique

Les piliers de la société ( auteur Leif GW PERSSON )

3 Août 2023, 16:04pm

Publié par mille et une histoires

Les piliers de la société ( auteur Leif GW PERSSON )

Sous ce titre, Leif GW Persson désigne la police suédoise dont le rôle ne se limite pas à des enquêtes criminelles de haute volée. Il y a aussi un quotidien fait d’innombrables délits et violences ordinaires : vols à la tire, violence gratuite de rue, vandalisme, désordres provoqués par les alcooliques et les drogués, tapages dans les lieux publics. La police veille, à Stockholm 3500 policiers et un peu plus de 2000 agents de sécurité publique surveillent et procèdent quotidiennement à de multiples interpellations et mises en garde-à-vue. C’est le thème de ce roman et le lecteur a un guide fabuleux en la personne du commissaire principal Lars Martin Johansson, quinze ans sur le terrain dans diverses brigades de la capitale suédoise, le bas de l’échelle et la lente ascension dans la hiérarchie vers le Service du personnel où il a fini directeur de la DRH de la police nationale avant d’être nommé chef par intérim de la police judiciaire au QG de Kronoberg à Stockholm.

La façade est brillante tant pour Johansson que pour les piliers de la société en général. Mais il y a des accros comme en cette fin de dimanche 8 septembre ( aucune année n’est précisée. La seule référence est 1982, année de la parution de ce roman en Suède ). Le 8 septembre Nils Rune Nilsson est arrêté ivre mort, c’est un retraité habitué de tels faits. Il sera hospitalisé dans le comas suite à des soupçons de coups reçus dans sa cellule. La presse prend la défense de celui qu’elle va sympathiquement baptiser « tonton Nisse ». Johansson va lancer une enquête préliminaire interne confiée au commissaire Wesslén de la brigade des fraudes et à l’inspecteur Jansson de la criminelle. Le rapport médicolégal n’est pas encore disponible d’autant plus que l’état de tonton Nisse s’aggrave. Il décède le 19 septembre. L’enquête se concentre sur les six policiers et un gardien de prison civil qui ont fait l’objet de plaintes disciplinaires récentes émanant de dix citoyens ayant eu à faire à la police et qui en sont devenus des victimes. Le sérieux et discipliné Wesslén et l’alcoolique Jansson rouvrent les dossiers incriminant les policiers suspects.

Dans son troisième roman, Leif GW Persson approfondit l’univers quotidien de la police de Stockholm. Rien n’échappe à son regard critique dans l’emploi du temps de Johansson, de Wesslén et de Jansson. Leur vie privée n’échappe pas à l’inventaire. Wesslén en harmonie avec sa femme et sa petite fille, Jansson solitaire et Johansson à la chasse dans le nord avec ses parents et ses frères. L’auteur n’est pas toujours tendre avec Johansson et ses petits privilèges réservés au chef, une activité syndicale qui l’a sans doute aidé à progresser dans la hiérarchie, des soirée bien arrosées avec son collègue et ami de la brigade d’intervention Bo Jarnebring avec lequel il a débuté sa carrière ( voir ICI ). Rien n’est occulté dans le fonctionnement de l’institution policière, un quotidien fait de réunions très diverses pour régler des conflits de personnes ou des conflits entre services et plus surprenant pour fixer les compensations financières des indics payés en liquide et sans reçus. Le lecteur croise des personnages déjà rencontré dans les deux premiers romans de l’auteur ( par exemple l’inspecteur Jan Lewin : voir ICI ). Johansson parle avec le directeur du parquet, parfois cela ressemble à des négociations ( pendant un bon repas ). Visite aux archives, contrôles de la conformité des cellules de garde-à-vue avec un médecin légiste, rien n’est occulté par le regard lucide et critique de Leif GW Persson qui maîtrise très bien l’art de raconter des histoires qui m’ont passionné. J’ai été surpris par l'existence d'une police secrète avec de très controversés enquêteurs indépendants agissant sous couvert d’entreprises ordinaires.

Les procédures d’enquête figurent en bonne place avec les recherches de Wesslén et Jansson qui approfondissent les affaires dans lesquels les policiers suspectés d’avoir passé à tabac tonton Nisse, ont été précédemment mis en cause. Si certaines méritent d’être abandonnées, d’autres mettent en évidence des erreurs, des conclusions hâtives, des zones d’ombre ou des questions sans réponses notamment en matière de trafics de drogue. La recherche d’une arme à feu venue des USA est particulièrement passionnante. Ces affaires constituent une partie dont la lecture est prenante, avec une bonne dose de suspense et de surprises. Le quotidien et l’organisation de la police est en quelque sorte une analyse sociologique pleine d’intérêts dans les relations « citoyens irréprochables » vs « méchante police ».

« Je suis un type comme ça, dit Berg. Je conduis les gens comme Nilsson aux services sociaux fermés… au centre de désintox qui ne le prend pas parce qu’il est trop vieux… à l’hôpital qui ne pense pas qu’il soit assez malade. Et finalement en garde à vue chez les gars. Là on le prend. Il n’a pas de foyer après tout… et s’il n’y en avait pas comme moi et les collègues… qui tenaient la société à bout de bras, toute cette merde s’écroulerait en un instant… Nous sommes les piliers de cette société ».

Le rapport final de l’autopsie du corps de tonton Nisse va contribuer à clore cette affaire d’accusation de violence policière. Les conclusions de l’ensemble des enquêtes ne vont pas manquer d’être prises en compte dans l’organisation future des policiers et le déroulement de leur travail.

Leif GW PERSSON – Les piliers de la société . Titre original « Samhällsbärarna» ( Suède 1982 – Prix du Meilleur roman policier de l’année 1982 ) traduit du suédois par Catherine Renaud pour les Éditions Rivages en novembre 2013. ISBN 978-2-7436-2642-6 .

Bibliographie de l’auteur  ICI 

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